Les Plans Popp

Les plans Popp constituent l'un des trésors cartographiques les plus précieux de Belgique. Ces anciennes lithographies cadastrales, réalisées entre 1842 et 1879, offrent un témoignage visuel unique de l'organisation territoriale, urbaine et sociale du jeune Royaume de Belgique au XIXe siècle.
Un homme, une vision monumentale
Philippe-Christian Popp van Schaalkwijk (1805-1879) est le visionnaire derrière ce projet colossal. Né à Utrecht le 10 février 1805, il s'établit en Belgique en 1818 après le décès de son père. Ancien fonctionnaire du cadastre de Bruges, Popp conçoit en 1838 un projet audacieux : reproduire et vulgariser par lithographie les plans cadastraux de tout le jeune royaume belge, avec leurs registres et matrices.
En janvier 1841, il obtient l'autorisation du ministre des Finances pour élaborer un Atlas cadastral sur la base des documents cadastraux officiels. Ce qui débute comme une entreprise administrative se transforme en une œuvre d'une ampleur exceptionnelle, menée sans aucune subvention gouvernementale. Cartographe, dessinateur, imprimeur et éditeur, Popp consacre près de quarante ans de sa vie à cette réalisation monumentale, jusqu'à sa mort en 1879. Sa veuve, Caroline-Clémence Boussart, poursuivra d'ailleurs l'œuvre en achevant la publication des plans pour la province de Liège.
Une œuvre de dimensions impressionnantes
✦ 1 736 parties publiées — chaque partie consacrée à une commune
✦ Plus de 2 000 cartes détaillées — lithographies à différentes échelles
✦ 30 000 feuillets de registres — matrices cadastrales et données immobilières
✦ ¾ de la population belge couverte — un témoignage national unique
L'Atlas cadastral parcellaire de la Belgique – communément appelé "Plans Popp" – couvre une superficie équivalant aux trois-quarts de la population belge et du revenu cadastral national de l'époque. L'édition reprend les provinces du Brabant, du Hainaut, de Liège, de Flandre occidentale et de Flandre orientale, ainsi qu'une partie de la province d'Anvers.
Particularité notable : Contrairement aux pratiques cadastrales habituelles, Popp a volontairement omis de dater ses plans pour des raisons commerciales. Le projet POPPKAD de l'Université de Gand a par la suite entrepris un travail minutieux de datation systématique de toutes les parties de l'Atlas.
Que contiennent les plans Popp ?
Chaque partie de l'Atlas, consacrée à une commune spécifique, contient plusieurs types de documents cadastraux complémentaires :
Les plans parcellaires
Réalisés à différentes échelles (de 1:1.250 à 1:7.500), ces plans reproduisent avec une précision remarquable les éléments topographiques : immeubles, cours d'eau, routes, chemins, et la délimitation exacte de chaque parcelle cadastrale. La qualité lithographique de ces plans en fait de véritables œuvres d'art documentaires.
Les matrices cadastrales
Véritables mines d'or pour les chercheurs, les matrices cadastrales répertorient de manière exhaustive les propriétaires de chaque parcelle, avec des informations détaillées sur les biens immobiliers et leurs caractéristiques. On y trouve également, dans certains cas, les professions des habitants – un élément précieux pour comprendre la structure socio-économique des communes au XIXe siècle.
À quoi servent les plans Popp aujourd'hui ?
Pour la généalogie
Les plans Popp sont devenus indispensables pour les généalogistes. Ils permettent de localiser précisément où vivaient les ancêtres, d'identifier leurs propriétés, et grâce aux matrices, de découvrir leurs professions et parfois leurs voisins. Ces documents offrent une dimension géographique et sociale précieuse à toute recherche familiale.
Pour l'histoire locale
Historiens et régionalistes y trouvent une documentation irremplaçable sur l'évolution urbaine et rurale des communes belges. Les plans permettent de reconstituer le paysage du XIXe siècle : quelles rues existaient ? Où se trouvaient les églises, les moulins, les fermes ? Comment le territoire était-il organisé ?
Pour l'architecture et l'urbanisme
Architectes et urbanistes consultent ces plans pour comprendre l'évolution du bâti, identifier d'anciennes constructions, et documenter le patrimoine architectural. Ils constituent une référence essentielle pour les projets de restauration ou de rénovation urbaine.
Pour la recherche scientifique
Géographes, démographes et historiens économiques exploitent ces données pour analyser les structures foncières, les migrations internes, l'industrialisation, et les transformations sociales de la Belgique au XIXe siècle.
Où consulter les plans Popp ?
Bonne nouvelle : grâce à la numérisation massive entreprise depuis les années 2000, les plans Popp sont aujourd'hui largement accessibles en ligne !
Principales plateformes de consultation :
- Belgica (KBR) – belgica.kbr.be
La Bibliothèque royale de Belgique propose l'ensemble des plans et matrices Popp numérisés, consultables gratuitement par commune. - Cartesius – www.cartesius.be
Ce portail collaboratif réunit les collections cartographiques de quatre institutions belges (Archives de l'État, KBR, Institut géographique national, Musée royal de l'Afrique centrale), incluant les plans Popp avec une fonction de recherche géographique interactive. - Geopunt (Flandre) – www.geopunt.be/kaart
Permet de consulter les plans Popp de la région flamande via l'onglet "Historische Kaarten" (cartes historiques). - Projet POPPKAD (UGent) – poppkad.ugent.be
L'Université de Gand propose une interface de recherche scientifique avec les matrices cadastrales et des métadonnées enrichies. - PlanPopp.be – www.planpopp.be
Site spécialisé proposant des informations complémentaires et des reproductions décoratives des plans.
Conseil pratique : Pour une première exploration, commencez par le site Belgica de la KBR. L'interface est intuitive : sélectionnez votre province, puis votre commune, et vous accéderez directement aux plans et matrices en format PDF téléchargeable.
Un patrimoine à préserver et valoriser
Au-delà de leur valeur documentaire, les plans Popp sont de véritables œuvres d'art. La précision du trait lithographique, le soin apporté aux détails, et l'élégance de la présentation en font des objets de collection recherchés. Certaines personnes les utilisent d'ailleurs comme éléments décoratifs, accrochant la carte de leur commune ou de leur quartier dans leur intérieur.
Ces documents témoignent également d'une époque où la cartographie était un art manuel exigeant patience, précision et talent artistique. À l'heure du GPS et de la cartographie numérique automatisée, les plans Popp nous rappellent la valeur du travail méticuleux et la beauté des réalisations artisanales.
Vers de nouvelles exploitations
Les technologies numériques offrent aujourd'hui de nouvelles possibilités d'exploitation de ce patrimoine. Des projets de recherche utilisent l'intelligence artificielle pour extraire automatiquement les données des matrices manuscrites, permettant de créer des bases de données interrogeables. D'autres initiatives superposent les plans Popp aux cartes actuelles pour visualiser l'évolution du territoire sur près de deux siècles.
Les plans Popp continuent ainsi de vivre et d'enrichir notre connaissance du passé, tout en inspirant les recherches du présent. Ils constituent un pont unique entre le XIXe siècle et notre époque, un témoignage irremplaçable de la Belgique d'hier, accessible à tous gratuitement sur Internet.
En conclusion, les plans Popp représentent bien plus qu'un simple atlas cadastral : ils sont une fenêtre ouverte sur le passé, un outil de recherche fondamental, et un témoignage artistique du talent et de la persévérance de Philippe-Christian Popp. Que vous soyez généalogiste amateur, historien chevronné, ou simple curieux de l'histoire locale, ces plans méritent une exploration approfondie !
Le cas particulier de Tournai
Le plan Popp de Tournai, datant vraisemblablement de 1865, offre une vision détaillée de la cité des cinq clochers au cœur du XIXe siècle. Ce document est particulièrement précieux pour la ville, car il cartographie non seulement le bâti de l'intra-muros avec une précision remarquable, mais identifie également les propriétaires de chaque parcelle ainsi que les métiers pratiqués. Grâce au travail minutieux de passionnés d'histoire locale comme Daniel Delécaut, ce plan a été transposé et enrichi, permettant une exploration interactive du Tournai historique sur le site Apis Tornacensis. Les chercheurs peuvent ainsi découvrir qui habitait où, identifier les commerces et ateliers d'époque, et reconstituer le tissu social de la ville médiévale en pleine transformation industrielle.
Sources et références :
- Projet POPPKAD, Université de Gand – L'Atlas cadastral parcellaire de la Belgique, poppkad.ugent.be
- Bibliothèque royale de Belgique (KBR) – Collection Atlas cadastral de Philippe Christian Popp, belgica.kbr.be
- Archives de l'État en Belgique – Cartes et plans : Découvrez le site Cartesius, arch.be
- Wikipédia – Philippe Christian Popp van Schaalkwijk, consultée en octobre 2025
- Data.gov.be – Popp, Atlas cadastrale parcellaire de la Belgique, 1842-1879
- Geniwal.be – Les plans Popp, ressource généalogique pour la Wallonie
- L'Avenir – 694 blasons et 70 plans anciens de Tournai publiés sur un site internet, novembre 2023